"La situazione sta peggiorando. Gridate con noi che i diritti umani sono calpestati da persone che parlano in nome di Dio ma che non sanno nulla di Lui che è Amore, mentre loro agiscono spinti dal rancore e dall'odio.
Gridate: Oh! Signore, abbi misericordia dell'Uomo."

Mons. Shleimun Warduni
Baghdad, 19 luglio 2014

7 dicembre 2010

Un chrétien irakien nous ouvre son cœur, entretien avec Yacoub Souleiman

By Tribune de Genève 6/12/2010

Yacoub Souleiman
(1) est catholique romain. Il a fait ses études en France. Il vit maintenant en Syrie où il travaille pour une ONG qui apporte de l’aide aux chrétiens irakiens. Il a accepté de s’entretenir avec nous par téléphone sur la situation dans son pays.
Christian Bouchet : Yacoub, quel est votre rapport actuel avec l’Irak ? Comment êtes-vous informé sur ce qui s’y passe ?
Yacoub Souleiman : Quand la deuxième guerre du Golfe a éclatée, je faisais mes études dans votre pays, à Montpellier. Après obtenu mes diplômes, j’ai rejoint ma famille en Syrie où elle avait émigrée. J’ai alors trouvé un travail dans une ONG humanitaire qui soutient les chrétiens irakiens qu’ils soient en exil au Proche-Orient ou qu’ils soient resté en Irak. Je suis donc en contact quotidien avec des irakiens qui ont choisi d’émigrer et je me rends en Irak même très régulièrement, principalement dans la région de Mossoul mais aussi à Bagdad. On peux donc dire que j’ai une connaissance de la situation locale directe et de terrain.
Christian Bouchet : Quelle est la situation des chrétiens en Irak ?
Elle n’est pas bonne, et c’est un euphémisme. Elle s’est énormément détériorée depuis la chute du Raïs Saddam Hussein et le début de l’occupation américaine. Dans l’Irak de Saddam, la constitution garantissait dans son article 3 « les droits légitimes de toutes les minorités au sein de l’unité irakienne » et dans son article 19 précisait que « tous les citoyens sont égaux devant la loi, sans distinction de sexe, de religion, de langue, de race ou d’appartenance sociale. » Cela nous protégeait, nous assurait d’être traité exactement comme les Irakiens musulmans. De plus, le fait que le fondateur du Baath, le parti alors au pouvoir, Michel Aflak ait été un chrétien était symboliquement valorisant pour nous, comme l’était le rôle joué à l’international par un autre chrétien, Tarek Aziz. La défaite et la chute de Saddam Hussein s’est traduite par une aggravation sans précédent de notre situation. Le Conseil intérimaire de gouvernement ne comptait aucun chrétien dans ses rangs et la nouvelle constitution du 24 octobre 2005, rédigée sous la supervision de conseiller venus de Washington, stipula dans son article 2 : « On ne peut approuver aucune loi qui soit en contradiction avec les lois de l’islam. » ce qui constituait un gigantesque recul par rapport à la constitution laïque de 1973. En clair, elle à légalisé la charia comme fondement de la législation irakienne. N’y aurait-il eu que cela, notre situation aurait encore pu être acceptable. Mais il s’y est ajouté les enlèvements, les meurtres et les attentats, dont le carnage qui a eu lieu à la cathédrale Notre-Dame du Perpétuel Secours n’est sommes toute qu’une manifestation plus sanglante que les autres. Et encore nous sommes une minorité importante, qui reçoit des aides des autres Églises, donc nous pouvons nous organiser, aider ceux d’entre nous qui sont les plus pauvres et les plus dans la peine. Toutes les minorités n’ont pas cette chance et d’autres souffrent encore plus que nous, comme les Mandéens qui ont quasiment disparu d’Irak. Christian Bouchet : C’est intéressant ce que vous venez de me dire, toutes les minorités sont vraiment touchées ? Oui, toutes les minorités quelle qu’elles soient. Presque chaque jour des chrétiens de diverses obédiences, des yézides, des shabaks ou des mandéens sont assassinés et des attentats terroristes comme ceux de la cathédrale Notre-Dame du Perpétuel Secours ont déjà frappé les yézides, les Turcomans et bien d’autres. D’ailleurs, la situation est telle que même ceux qui sont en Irak la majorité religieuse, à savoir les chiites, sont victimes d’attentats meurtriers dans leurs lieux de culte et de pèlerinage. Tout cela donne une impression de chaos, mais quand on y regarde de plus près, c’est un chaos ordonné. Christian Bouchet : À vos yeux, il y aurait donc un plan concerté ? Oui, même si c’est plus complexe que cela. On peut dire qu’il y a deux terrorismes totalement différents qui sont l’un et l’autre instrumentalisés afin d’aboutir à un but unique. D’un côté, il y a des réseaux wahhabites, liés à l’Arabie Saoudite et financés par les revenus du pétroles, qui mènent une guerre à mort contre les « croisés », c’est à dire nous, mais aussi contre les yézides, les mandéens, les shabaks, les chiites, etc. D’un autre, il y a au Kurdistan une volonté d’épuration ethnique, visant à chasser les populations non-kurdes afin de permettre aux autorités régionales semi-autonomes du Kurdistan de prendre le contrôle du gouvernorat de Ninive, de son importante capitale Mossoul et de ses richesse pétrolières. En font les frais les turcomans, les yézides, les assyriens, les shabaks, etc. Or dans les deux cas, derrière les auteurs des massacres, des attentats et des assassinats, on retrouve des alliés des États-Unis : le gouvernement saoudien dans l’un, le gouvernement kurde dans l’autre, un gouvernement kurde qui est aussi, par ailleurs, étroitement lié à l’État d’Israël. Comment ne pas en conclure que tout ce qui se passe en Irak, sa destruction comme nation et comme État, sa communautarisation et son démembrement, coïncide tout simplement avec le projet yankee d’un « remodelage du Grand Moyen Orient » autour de petites unités territoriales définies sur des bases religieuses ou ethniques. D’ailleurs c’est si vrai que les agents des USA au sein des minorités religieuses ou ethniques poussent celle-ci a demander une partition de l’Irak qui leur soit aussi favorable. C’est ainsi que s’explique l’appel à la création d'une région autonome pour les minorités, y compris les Chrétiens, dans la province de Ninive, région, comme par hasard riche en pétrole, où les divers groupes minoritaires constitueraient en s’unissant une majorité. Christian Bouchet : Lors de l’attaque de la cathédrale Notre-Dame du Perpétuel Secours on a parlé d’une réponse au synode des évêques pour le Moyen-Orient. Qu’en pensez-vous ? Oui, cela s’est dit. Mais, à mon avis, si quelqu’un a répondu ce ne sont pas les islamistes mais les agents d’Israël – les uns et les autres marchant d’ailleurs la main dans la main – furieux que le Synode ait demandé dans sa résolution finale à la communauté internationale, et en particulier à l’ONU, de mettre fin à l’occupation israélienne « de différents territoires arabes » en faisant appliquer les résolutions de l’ONU et qu’il ait dénoncé l’utilisation de la Bible par les sionistes pour justifier leur politique impérialiste. Christian Bouchet : Je sais que vous êtes amené à intervenir dans tous les pays du Proche-Orient. Comment y est, en réalité, la situation des chrétiens ? Elle est bonne en Syrie et en Jordanie, normale au Liban, acceptable à Gaza… Ce qui est paradoxal, c’est que les chrétiens subissent les conditions les plus dures dans les deux pays de la région qui sont les plus liés à l’Occident : la Turquie et Israël. Christian Bouchet : Pour conclure, pourriez-vous me résumer votre pensée en quelques mots ? Ma pensée, je peux facilement la résumer en reprenant ce que disent nombre de nos anciens, et qu’un Français comme vous (2) a relaté dans un de ses livres : « On peut tout dire de Saddam Hussein, mais il était notre protecteur, et, tant qu’il était au pouvoir, nous avions la certitude de continuer à vivre dans ce pays. Nous étions alors heureux ! Nul n’aurait osé s’en prendre à nos biens et à nos églises. » Maintenant nous avons la démocratie… Mais celle-ci dans son fonctionnement est pire que votre Troisième république. Tandis que dans les campagnes irakiennes et dans les camps de réfugiés on manque de tout, nos députés se sont partagés 40 millions de dollars en huit mois alors qu’ils n’ont siégé en tout que… 20 minutes ! Nous avons la démocratie, mais dans le même temps on détruit nos Église, on assassine nos prêtres et notre élite, notre pays est démembré, dépecé et vendu aux étrangers… Nous avons la démocratie, mais on vient de condamner à mort, par pure vengeance politique, Tarek Aziz, un homme qui fut respecté de tous en l’accusant de crimes dont tout le monde sait qu’il est innocent Alors, cette démocratie, les Américains pouvaient bien la garder pour eux et ne pas nous en faire l’aumône…
Notes

1 – Afin de préserver la sécurité de notre interlocuteur, nous avons modifié son patronyme.

2 – Il s’agit de René Guitton auteur de Ces chrétiens qu’on assassine, Flammarion, 2009.