«Mes
pensées vont vers les populations civiles prises au piège dans les
quartiers ouest de Mossoul et aux personnes déplacées à cause de la
guerre, auxquelles je me sens uni dans la souffrance à travers la prière
et la proximité spirituelle». C’est le cri lancé par le Pape
François mercredi 29 mars 2017 lors de l’audience générale place
Saint-Pierre, à l’issue de sa catéchèse. Il est ainsi revenu sur la
guerre qui ravage depuis plusieurs semaines la partie occidentale de la
ville irakienne, où se sont retranchés les combattants de l’organisation
de l’État islamique.
Les civils qui y sont encore plusieurs dizaines de milliers, sont les
premières victimes de ce conflit. Plusieurs dizaines d’entre eux sont
morts dans des bombardements il y a plus de dix jours, ensevelis sous
les décombres de leurs maisons.
Pour Mgr Louis Sako, le patriarche chaldéen, ces paroles du Pape sont «un cri d’un prophète qui condamne le mal et appelle à la paix et au respect de la vie et des hommes». Évoquant la situation à Mossoul, et tout particulièrement à Mossoul ouest, le patriarche reconnait que «c’est une véritable tragédie». «Les gens sont obligés de rester dans leurs maisons parce que les djihadistes ne les ont pas laissés sortir»
explique-t-il. Il précise que la vieille ville, centre de la partie
occidentale de la métropole du nord de l’Irak, est constituée de maisons
étroites, toutes collées les unes aux autres, construites en des
matériaux fragiles qui ne résistent pas aux bombardements et amplifient
le nombre de victimes.
Retour dans la plaine de Ninive
Dans les localités et les villes déjà libérées par les forces
irakiennes ou kurdes depuis le lancement de la contre-offensive contre
l’EI, l’année dernière, les chrétiens, qui y vivaient avant la guerre,
reviennent timidement. Pour le moment, les familles qui ont trouvé
refuge au Kurdistan, attendent l’été et la fin de l’école pour se
réinstaller. Celles qui ont décidé de rentrer tout de suite, n’ont que
peu de moyens matériels. Les aides sont minimes même si l’Église
chaldéenne essaie de les soutenir comme elle le peut.
Interrogé par le service français de Radio Vatican en marge de son
déplacement actuel en France, Mgr Sako reconnait que l’État irakien ne
les oublie pas mais il regrette que les bonnes paroles ne soient pas
suivies d’effets. «On veut des actions, s’exclame-t-il, pas des discours qui ne coûtent pas chers». Mais l’heure pour le moment est à la guerre, pas à la reconstruction. «On comprend que l’Irak n’a pas d’argent. Tout l’argent va à l’armée irakienne», explique-t-il.
Changement de mentalité
Malgré la poursuite de la guerre et les querelles entre les
différentes communautés irakiennes dans certaines zones libérées, Mgr
Sako demeure optimiste. «Il y a un changement», se réjouit-il. «Les musulmans sentent qu’il faut changer». «Je crois qu’ils se rendent compte de l’importance des chrétiens ici».
Il s’est rendu récemment au Caire à l’université Al-Azhar pour une
conférence sur les libertés religieuses, la nature civile de l’État, la
citoyenneté et le respect de la diversité. Des représentants politiques
et des différents cultes ont pu débattre sur tous ces thèmes.
Pour Mgr Sako, ce qui s’est dit durant ces quelques jours montre que les musulmans du Proche-Orient sont sur la bonne voie. «Il
faut soutenir dans ces pays-là un gouvernement ou un État moderne,
séculaire, et partager la religion de la politique, autrement, il n’y
aura pas d’avenir, il y aura toujours des tensions et des conflits. La
religion c’est une chose personnelle» explique le patriarche. «La société est pour tout le monde», ajoute-t-il, «tous sont des citoyens égaux et il faut respecter cela». Le processus pour déconfessionnaliser les rapports politiques, notamment en Irak, est encore cependant bien long.