By Cath.Ch (Suisse)
Jacques Berset
Les djihadistes sunnites de Daech, l’acronyme arabe de l’Etat islamique, s’étaient emparés des agglomérations chrétiennes de la Plaine de Ninive dans la nuit du 6 au 7 août 2014, jetant sur les routes de l’exil quelque 50’000 chrétiens fuyant les exactions des terroristes.
Jacques Berset
Les djihadistes sunnites de Daech, l’acronyme arabe de l’Etat islamique, s’étaient emparés des agglomérations chrétiennes de la Plaine de Ninive dans la nuit du 6 au 7 août 2014, jetant sur les routes de l’exil quelque 50’000 chrétiens fuyant les exactions des terroristes.
Lancée le lundi 17 octobre, l’opération de libération de Mossoul, la
deuxième ville d’Irak, encore sous l’emprise de Daech, se poursuit. Elle
est menée par quelque 30’000 soldats de l’armée irakienne, des milices
chiites et sunnites et plusieurs milliers de peshmergas kurdes.
Mercredi 19 octobre, les forces irakiennes, entrées la veille dans
plusieurs quartiers de Qaraqosh, se heurtaient toujours à la résistance
de djihadistes retranchés dans les maisons.
Destruction systématique du patrimoine religieux et culturel
Depuis que la ville de Mossoul est tombée dans les mains de l’Etat
islamique en juin 2014, le groupe terroriste s’est attaché à détruire le
patrimoine architectural de la ville irakienne, visant non seulement de
nombreuses églises et monastères chrétiens, mais également d’autres
sites de pèlerinage musulmans ainsi des vestiges archéologiques et des
monuments assyriens. Avant la guerre d’Irak de 2003, la ville de
Mossoul, où cohabitaient aux côtés d’une majorité sunnite des minorités,
chrétiennes, shabaks, kurdes, assyriennes, arméniennes et turkmènes,
comptait plus de quarante églises et monastères.
Plaidoyer pour la réconciliation entre les communautés déchirées
Saluant les efforts en vue de la libération de Mossoul –”une des
villes historiques les plus importantes de l’Irak” – et de la Plaine de
Ninive, Mgr Louis Raphael Sako,
patriarche de Babylone des Chaldéens et président de la Conférence
épiscopale catholique irakienne, a lancé un appel solennel à la
réconciliation des Irakiens. Ils forment “une unique famille”, malgré
leurs différentes affiliations, a-t-il souligné dans son message.
Le patriarche chaldéen a encore demandé d’éviter les voix de la
division, les positions radicales et les fractures qui commencent à
émerger. Il a finalement exhorté ses compatriotes à “aplanir le chemin
vers une réconciliation communautaire authentique, sous le signe de
l’amour, de la paix et de la libération de toutes les terres occupées”.
Les minorités chrétiennes, yézidies et shabaks, qui ont été
persécutées par Daech dans la ville de Mossoul et dans les villages de
la Plaine de Ninive et des régions prises par les djihadistes, ne sont
pas rassurées. Elles se méfient désormais de leurs voisins sunnites, qui
ont parfois participé à leur éviction de leurs maisons.
“Beaucoup de nos voisins ont été des sympathisants de Daech”
Entre les communautés, une cassure s’est faite. “Beaucoup de nos
voisins ont été eux-mêmes des membres ou des sympathisants de Daech, qui
ont démoli des églises, des maisons, des symboles religieux et sociaux
de la région, que ce soit dans les villes chrétiennes ou dans la ville
même de Mossoul”, relève sur les ondes de Radio Vatican Mgr Georges
Casmoussa, ancien archevêque syriaque-catholique de Mossoul, et lui-même
originaire de la ville de Qaraqosh.
Pour l’archevêque émérite, il ne sera pas facile de vivre
pacifiquement entre les communautés alors que les blessures sont encore
fraîches. Il faudra du temps, des garanties et des mesures du
gouvernement central à Bagdad pour éviter l’ingérence et la mainmise
d’un groupe sur les autres, et créer les bases de la convivialité entre
toutes les communautés. Mgr Casmoussa met également en garde contre
l’ingérence de pays voisins qui restent en arrière-plan, mais qui tirent
les ficelles.
Attention aux ingérences étrangères
Il faut que la communauté internationale comprenne, ajoute-t-il,
qu’il n’y aura pas d’équilibre possible à l’intérieur de l’Irak sans
maîtriser la mainmise politique des voisins du Nord, de l’Est ou du Sud.
L’archevêque émérite de Mossoul plaide pour que le pays sorte de
l’esprit de majorité/minorités, afin de considérer les Irakiens en tant
que citoyens d’un même pays. “A partir de ce moment-là, on pourra
construire une société qui se respecte, car le premier principe doit
être le respect de l’autre, de ses traditions, de sa culture, de son
entité. La différenciation des cultures, même des religions, ne doit pas
être un obstacle pour la convivialité des citoyens. Il faut bannir
absolument la suprématie d’une religion sur d’autres!”