Fin octobre, les premiers villages chrétiens de la Plaine de
Ninive ont été libérés. Quelques jours seulement après cette libération,
Monseigneur Yohanna Boutros Moshé, archevêque syriaque catholique du
diocèse de Mossoul et Kirkouk (Irak) est revenu pour la première fois à
Qaraqosh, ville symbole des chrétiens d’Irak. De passage en France, il
nous livre son récit.
Quand vous êtes-vous rendus à Qaraqosh ?
Je vis à Ankawa (NDLR. Quartier d’Erbil au Kurdistan irakien) où se
situe ma résidence depuis notre départ forcé de Mossoul à l’été 2014.
Une fois que nous avons appris la nouvelle de la libération de nos
villages dans la plaine de Ninive, j’ai attendu quelques jours avant
d’aller les visiter, et en particulier Qaraqosh. J’ai choisi de m’y
rendre le « dimanche des dédicaces », qui est le premier dimanche de
notre année liturgique, on l’appelle « la sanctification de l’Eglise ».
Ma visite à Qaraqosh ne pouvait pas être une « visite normale » car je
souhaitais prier et dire la messe dans une de nos églises profanées par
l’État islamique.
Comment s’est déroulée votre arrivée sur place ?
À l’entrée de l’Église de l’Immaculée Conception -- qui est un vrai
symbole pour les citoyens syriaques-catholiques -- je me suis mis par
terre sur l’escalier de l’entrée pendant quelques minutes pour remercier
Dieu. La joie se mélangeait au chagrin et à la tristesse. Je me
demandais : « Pourquoi ça s’est passé comme cela chez nous, nous qui
sommes pacifiques ? » Cela fait plus de deux ans que nous sommes
éloignés de nos églises. Mais cette prière était aussi une action de
grâce.
Quelle a été votre première action ?
Je suis entré après avoir mis de l’eau bénite sur l’église et un peu
d’encens en signe de purification. Nous avons mis en place un autel
parce que celui-ci était abîmé. Tout était brûlé à l’intérieur. Il y
avait des icônes et des croix cassées. Ensuite, j’ai célébré la messe.
C’était un témoignage et un message pour mes chrétiens, mes paroissiens
syriaques mais aussi pour le monde entier.
Comment s’est passé votre second déplacement ?
Deux jours après cette première messe, nous y sommes retournés le 2
novembre, « jour des morts » dans la liturgie latine. C’était l’occasion
pour moi de célébrer la messe pour nos défunts enterrés à Qaraqosh. La
troisième messe a eu lieu le dimanche 7 novembre, qui correspond au jour
de renouvellement de l’Eglise dans notre liturgie.
Quelle est la situation à l’intérieur de la ville ?
De nombreuses maisons ont été détruites ou brûlées. Quelle
tristesse ! Avant de reconstruire l’Eglise nous reconstruirons les
maisons des fidèles pour qu’ils aient le courage de revenir vivre chez
eux, puis nous travaillerons à la réhabilitation de l’Eglise.
Que représentait ce déplacement pour vos fidèles ?
C’était un encouragement. Certains chrétiens réfugiés au Kurdistan
ont eu le courage d’aller voir leurs maisons. La guerre est toujours en
cours à Mossoul et dans d’autres villages non libérés. À Qaraqosh, il y a
encore le risque des voitures piégées. C’est pourquoi on n’encourage
pas les habitants à s’y rendre maintenant.
Quand pourront-ils revenir à Qaraqosh ?
J’ai récemment missionné un prêtre pour aller voir sur le terrain les
maisons et les bâtiments détruits, évaluer les dommages et chercher des
moyens pour reconstruire dans le but de donner la possibilité aux
habitants de rentrer.
Gardez-vous encore de l’espoir que les communautés puissent revivre ensemble côte à côte à l’avenir ?
En tant qu’évêque, je suis optimisme. J’espère que nous pourrons
vivre en toute sécurité et que nous pourrons avoir confiance en nos
voisins. Si nous travaillons tous ensemble, nous pourrons reconstruire
notre pays et renouveler la vie des communautés chrétiennes. Le pays a
toutes les ressources pour se relever.