By La Croix
Malo Tresca
L’armée irakienne contrôlait, dimanche 9 juillet, la
quasi-totalité de la vieille ville de Mossoul, bastion de Daech depuis
plus de trois ans dans le pays.
Président de l’association Fraternité en Irak, Faraj Benoît Camurat explique que «cette libération pourrait inciter les familles réfugiées chrétiennes qui ont fui la ville à revenir», mais qu’elles craignent la présence « de cellules dormantes djihadistes ».
Est-il prématuré de parler déjà de « libération » de la ville de Mossoul?
En faisant dimanche 9 juillet sa première visite dans la ville, le
premier ministre irakien, Haïder Al-Abadi, a évoqué une victoire «
acquise » de l’armée, mais n’a pas encore voulu déclarer officiellement
Mossoul libérée, par respect pour les soldats qui continuent à s’y
battre. Comme on pouvait s’y attendre, il reste encore des poches de
résistance djihadistes à l’intérieur de la ville. Il ne faut pas oublier
non plus cette capacité qu’a Daech de créer la surprise en faisant
ressurgir certains de ses hommes que tout le monde croyait enterrés… Il
faut donc rester prudent dans les semaines à venir, durant lesquelles le
groupe djihadiste risque d’essayer de contredire cette idée que Mossoul
est bien libérée et pacifiée.
La situation, dans la ville, est
toujours complexe. Cette dernière est toujours très facturée, entre sa
partie « Est » libérée aux mois de janvier et février – globalement
assez bien préservées, avec des maisons restées en bon état –, et sa
partie ouest, très abîmée, et où réside une population plus salafisée.
Dans celle-ci, le travail de reconstruction sera bien plus long.
Les populations chrétiennes ayant fui Mossoul pensent-elles déjà à revenir ?
La
libération de la ville est un symbole qui ne touche pas uniquement les
Mossouliens, mais bien tous les habitants de la région de Ninive. Depuis
que l’armée irakienne a accentué ses offensives, dès septembre, pour
reprendre Mossoul, les réfugiés nous disaient qu’ils ne se sentiraient
en sécurité et en paix, dans la plaine de Ninive, qu’une fois que
Mossoul aura été libérée. Maintenant que cette épée de Damoclès – liée à
la menace représentée par la proximité des combattants djihadistes de
Mossoul, à quelques dizaines de kilomètres des camps où ils se sont
réfugiés –, n’existe plus, cela pourrait très fortement les inciter à
revenir.
Pour l’instant, on ne sait pas encore vraiment si des familles chrétiennes se sont réinstallées, même à l’est de la ville. Leur traumatisme a été grand, beaucoup craignent toujours la présence de cellules djihadistes dormantes dans la ville. Et personne ne sait si ces familles pourront reprendre leurs terres ou maisons, dont Daech les a expropriées. La question qu’elles se posent donc est la suivante : faut-il rentrer à Mossoul, ou s’installer dans une ville chrétienne de Ninive ?
Quels seront les chantiers prioritaires pour reconstruire la ville ?
Pour l’instant, on ne sait pas encore vraiment si des familles chrétiennes se sont réinstallées, même à l’est de la ville. Leur traumatisme a été grand, beaucoup craignent toujours la présence de cellules djihadistes dormantes dans la ville. Et personne ne sait si ces familles pourront reprendre leurs terres ou maisons, dont Daech les a expropriées. La question qu’elles se posent donc est la suivante : faut-il rentrer à Mossoul, ou s’installer dans une ville chrétienne de Ninive ?
Quels seront les chantiers prioritaires pour reconstruire la ville ?
Il va d’abord falloir remettre en route toutes les infrastructures
essentielles de la ville, permettant d’accéder à l’eau potable, à
l’électricité, à l’aide médicale… Beaucoup de bâtiments sont très
abîmés, et l’ampleur du travail à faire est immense.
Après trois
années de présence à Mossoul, Daech a laissé, à mes yeux, deux tristes
héritages. D’abord, la présence de mines et d’engins explosifs dans la
ville, et dans la plaine de Ninive. Ensuite, il a érigé des murs de
défiance entre toutes les différentes communautés – chrétienne, yézidie,
sunnite... En créant de la méfiance entre elles, il les a incités à se
mettre à dos les unes des autres. Outre cet immense travail de déminage,
il faudra donc rebâtir, petit à petit, ce lien de confiance entre les
différentes composantes de la société irakienne. Cela ne se fera bien
sûr pas en un jour, mais à partir de petites initiatives
intercommunautaires, locales ou commerciales, qui permettront
progressivement de faire tomber les stéréotypes et les « fatwas » de
Daech.