Cardinal Louis Raphael Sako
Le nom historique des chrétiens de Mésopotamie, c’est-à-dire la vaste plaine qui s’étend entre les fleuves du Tigre et de l’Euphrate, était clairement une désignation ecclésiastique : « Église d’Orient : ܥܕܬܐ ܕܡܕܢܚܐ, Ēdtāʾ d-Maḏenḥā ».
On l’appelait aussi l’Église nestorienne, en rapport avec Nestorius, le patriarche déchu de Constantinople (de 428 après JC à 431 après JC) et l’Église perse, en rapport avec l’empire perse qui régnait sur la région.
Au XVIIIe siècle, elle s’appelait l’Église des syriaques orientaux, en rapport avec l’endroit où elle s’étendait, à l’est de l’Euphrate. Et elle a probablement été adoptée par Al-Sima’ni à l’école Maronite à Rome.
L’Église, en son entité, est universelle, elle ne peut pas être nationale au sens exclusif, mais elle est ouverte à tous et pour le bien de tous. C’est ce qu’avait fait l’Église d’Orient, car elle comprenait différents peuples et ethnies, dont les Chaldéens, les Assyriens, les Juifs de Mésopotamie, les Arabes d’al-Hirah et du Golfe, comme les actuels Bahreïn et Qatar, les Indiens et les Mongols chinois, et l’un d’eux devint patriarche (Yahbalaha III 1281-1317).
Préservons la pureté, l’universalité et la généralité de l’Église et ne la limitons pas à une langue, une nationalité et un peuple. Son message est une extension du message du Christ, qui est pour tous. Cette Église a joué un rôle de pionnier dans l’histoire et la culture de la Mésopotamie (plus tard l’Irak).
Quant aux appellations nationales actuelles, chaldéen et assyrien, en tant que noms d’Église qui ont leur spécificité et leurs raisons propres, ils sont relativement tardifs, malgré leur retour aux civilisations et aux peuples très anciens.
L’Église chaldéenne, ce nom a été utilisé officiellement pour désigner un groupe de fidèles de l’Église d’Orient qui ont rejoint l’Église catholique, d’abord à Chypre en 1340, union qui n’a pas duré, ainsi qu’en 1445, toujours à Chypre, lors du concile de Florence.
Au XVIIIe siècle, lorsque le patriarche catholique établit sa chaire à Diyarbakir (Amed – Turquie), il utilisa cette appellation en même temps que l’appellation « Église catholique ». Le nom « Église chaldéenne » progresse peu à peu, prenant le pas sur d’autres appellations, notamment lorsque les deux sièges s’unissent : Diyarbakir avec la mort de l’administrateur apostolique Augustine Hindi, et Mossoul avec la conversion de Yohanna HORMIZD au catholicisme et sa sélection comme patriarche (1830- 1838) (1).
Quant au nom de l’Église assyrienne d’Orient, il remonte à Sa Sainteté feu Mar Danha IV (1976-2015).
Actuellement : l’Église chaldéenne est séparée de l’Église de l’Est, la lignée d’Elia (le monastère de Rabban Hormizd – Alqosh), l’Église assyrienne de l’Est est séparée de la lignée de Soulaqa, et l’ancienne Église orientale est séparée de la seconde en 1968. Donc, ecclésiastiquement, nous sommes tous des dissidents !
Appellations nationales : plusieurs noms ont été donnés aux croyants de l’Église d’Orient, dont « le syriaque oriental », en rapport au syriaques occidentaux, qui a été utilisé pendant une bonne période. De ce fait, les livres rituels qui ont été imprimés après le XVIIIe siècle et jusqu’au début du XXe siècle ont été appelés les rituels des Syriaques orientaux, qui sont les chaldéens.
Puis, à la fin du XIXe siècle, l’évêque martyr Addaï Scher promeut le nom de « Chaldée » et « Athur », et après lui, le général Agha Putros adopta le nom de « Assyro-chaldéens » qui fut repris par monseigneur Francis Alichoran (décédé en 1987 à Paris) et quelques orientalistes français.
Enfin, après la chute du régime (irakien) en 2003, l’assemblée populaire, pour des raisons politiques, promeut l’appellation « Chaldéens Syriaques Assyriens ». Il y a quelques jours, un parti politique a adopté le nom de « Chaldéens Syriaques Assyriens Arméniens » ! Ces désignations visaient à unir les chrétiens d’Orient, mais elles n’y parvinrent pas, elles compliquèrent plutôt les choses et brouillèrent les cartes.
Ces noms, contestés, n’ont pas été acceptés par les chaldéens, ni les syriaques ni les assyriens, car chaque composant a continué à conserver son identité, car chaque personne exprime librement son sentiment national. Nul n’a le droit d’imposer une désignation externe qui ne soit pas convenue.
Il est certain qu’il existe des différences qui peuvent être considérées et comprises objectivement en fonction de leur origine et sans préjugé, observance ou compromis.
Les noms sont respectables, ce sont des richesses qu’il faut accepter. Ces appellations ne nous séparent pas, elles nous poussent à l’union et ne se recoupent pas avec les efforts de coopération et de solidarité dans les prises de position et les discours pour consolider la présence des chrétiens et leurs droits dans le pays, d’autant plus que notre nombre diminue d’une manière alarmante. J’avais proposé d’adopter le nom de « la composante chrétienne » dans le domaine politique, mais cela a été rejeté !
J’appelle ceux qui s’intéressent à l’aspect nationale de surmonter les différences et à les surmonter par compassion et au service de leur peuple, à être conscients que la défaite d’une équipe contre une autre signifie la défaite des deux.
Voir ذخيرة الأذهان (le réserve des esprits) du Père Putros, Nasri, Mossoul, 1913, tome 2, p 374, Sako سير بطاركة كنيسة المشرق (biographies des patriarches de l’Eglise d’Orient). Bagdad 2020, p 172.