By La Croix
Anne-Bénédicte Hoffner
Anne-Bénédicte Hoffner
Face aux « importants défis qui menacent leur existence – celui de
l’assimilation dans la diaspora, celui de l’extinction dans leur patrie
d’origine » – le patriarche Louis Raphaël Ier Sako des chaldéens a
choisi de faire un geste fort.
Dans un communiqué rendu public
jeudi 25 juin 2015 et intitulé « L’unité de l’Église d’Orient », il tend
la main à ses deux Églises « sœurs » : l’Église assyrienne, et
l’ancienne Église d’Orient qui s’en est séparée en 1968.
Une seule dénomination
« L’unité
est le commandement du Seigneur Jésus, ’afin que tous soient un’ (Jean
17-11) », rappelle-t-il en préambule, soulignant aussi la « demande des
chrétiens » en ce sens, qu’ils soient dans leurs pays d’origine (l’Irak
principalement, mais aussi l’Iran, la Syrie) ou dans leurs pays
d’émigration (Europe, Amérique du Nord, Australie).
« Je propose
que nous adoptions une seule dénomination l'Église de l'Orient, celle
qui a prévalu pendant des siècles. Une seule dénomination lui donnera
force et élan et pourra en faire un modèle pour d'autres Églises »,
écrit le patriarche Sako.
L’antique Église de l’Orient - ou Église
de Perse - est une des premières Églises chrétiennes. Selon la
tradition, elle aurait été fondée par l’apôtre Thomas. Séparée après le
concile d’Éphèse (431) qui condamna les thèses de Nestorius, elle a
connu un temps un grand développement en Chine et en Inde où elle est
toujours très implantée.
Trois Églises pour des racines communes
Trois Églises sont aujourd’hui ses héritières.
L’Église
assyrienne, qualifiée d’apostolique » en raison de sa fondation par
Thomas, attend actuellement l’élection d’un nouveau patriarche, depuis
le décès en mars de Mar Dinkha IV. Son siège patriarcal est actuellement
près de Chicago (États-Unis) mais son synode a annoncé récemment son
intention de le rapatrier à Bagdad, où il était installé depuis 780.
L’ancienne Église d’Orient, s’est séparée en 1968 de cette Église assyrienne, en raison justement du déménagement du siège patriarcal hors d’Irak et de l’adoption du calendrier grégorien. Son siège patriarcal est à Bagdad et son patriarche actuel est Mar Addai II.
L’ancienne Église d’Orient, s’est séparée en 1968 de cette Église assyrienne, en raison justement du déménagement du siège patriarcal hors d’Irak et de l’adoption du calendrier grégorien. Son siège patriarcal est à Bagdad et son patriarche actuel est Mar Addai II.
Enfin, l’Église
chaldéenne est née au XVIe siècle lors de son union à Rome. Son
patriarche est donc Raphaël Louis Ier Sako, installé à Bagdad également.
Proposition audacieuse
La
proposition de ce dernier est audacieuse dans la mesure où il propose
aux deux premières non seulement « la communion de foi et de l’unité »
entre elles mais aussi « avec le Saint-Siège romain ». « Il y aurait une
augmentation de la puissance et non une diminution, surtout parce qu'il
n’existe pas de différence de doctrine [ndlr : entre nous] mais
seulement dans son expression formelle », assure-t-il. « Par conséquent,
démonter le lien de l’Église de l'Orient’ avec le Siège de Rome serait
une grande perte et une cause de faiblesse. »
En 1994, un pas
important a déjà été fait grâce à une déclaration commune signée par le
patriarche Mar Dinkha IV et Jean-Paul II, reconnaissant qu’assyriens et
catholiques « peuvent désormais proclamer ensemble devant le monde leur
foi commune dans le mystère de l’Incarnation ». L’Église catholique
accepte, depuis 2001, l’intercommunion entre les deux Églises.
Le drame de l’Irak
Mais
unité ne signifie pas uniformité, ni fusion, prend soin de préciser
Louis Raphaël Sako dans son texte. Désireux de réaliser « l’unité dans
la diversité », il affirme souhaiter le maintien de l’indépendance de
cette Église d’Orient pour son « administration, ses lois et ses
liturgies, ses traditions ».
« Une église liée à Rome, mais plus
libre de gérer ses propres affaires », ainsi Louis Sako résume-t-il son
projet dans une interview accordée en italien au site Internet Baghdadhope.
Conscient
des difficultés d’un tel projet, le P. Muhannad Tawil, dominicain, curé
de la paroisse chaldéenne de Lyon, salue néanmoins l’initiative.
« L’idée du patriarche est de revenir à nos racines communes », fait-il
valoir. « Dans une période trouble de notre existence, l’unité fait la
force. Le drame de l’Irak, c’est la division ethnique et religieuse :
par cette proposition, le patriarche Sako veut donner le témoignage
exactement inverse. »
Concrètement, « après délibération et
dialogue entre les trois branches et l’acceptation de cette communion
avec Rome », les patriarches actuels démissionneraient « sans
conditions », les évêques des trois Églises se réuniraient en synode
pour choisir un nouveau patriarche. Le patriarche élu serait aidé par
« des assistants de chaque branche ». À charge pour le patriarche et le
synode de préparer « une nouvelle feuille de route pour l'unique Église
de l'Orient ».
Pour l’heure, aucune réaction n’est encore venue des deux Églises visées.