By Paris Match, 19/04/2011
Akram est avachi devant son poste de télévision. Il regarde des clips musicaux, tous plus kitschs les uns que les autres en fumant sans cesse ses cigarettes. Je suis en face de lui mais il ne semble pas s’en soucier. De temps à autre, je pose des questions qu’il balaie de réponses expéditives. Sa femme vient de servir le thé puis est retournée dans la cuisine. Le couple et leurs deux enfants sont arrivés il y a deux ans de Bagdad après avoir été l’objet de menaces. Aujourd’hui, bien qu’il soit en sécurité, sa situation ne fait pas rêver Akram.
Les difficultés du retour
Comme beaucoup d’Irakiens, Laheeb non plus n’a pas eu le choix. «J’ai quitté Basrah après l’assassinat de mon beau frère et des menaces de mort sur ma famille», m’expliquait-il y a une semaine, Laheeb. Certains chrétiens sont partis à l’étranger en Syrie ou en Jordanie, d’autres ont rejoint le nord de l’Irak, la région du Kurdistan qu’ils avaient fui il y a 30 ans pendant le conflit kurde. Mais après l’immédiat réconfort de la sécurité retrouvée, ils doivent faire face à de nombreuses difficultés. La première est sans doute celle de la langue. A Bagdad, Mossoul ou Basrah, les chrétiens parlaient l’arabe ou l’araméen (la langue de Jésus), tandis qu’au Kurdistan, la langue parlée par tous est le kurde. Ce fait représente un obstacle considérable à leur intégration.
«Bagdad était une grande capitale, économique et culturelle avant la chute du régime. Maintenant, nous nous retrouvons dans un tout petit village, et ce n’est pas facile» m’explique Benhar. Effectivement, Araden n’est pas un grand village. Il est composé d’une soixantaine de maisons, dont certaines sont vides depuis le départ de familles vers la Turquie voisine. Beaucoup de familles ont du mal à passer d’une grande ville à un petit village des montagnes, particulièrement les jeunes «Dès que la situation sera meilleure à Bagdad, j’y retournerai sans hésiter» préviens Alina, 17 ans.
Enfin, le dernier problème majeur de ce retour est évidemment l’absence d’emplois. «La situation économique est catastrophique. Il n’y a pas de travail ici ! Les seuls emplois que nous trouvons sont dans l’agriculture, mais nous ne savons pas cultiver…nous venons de la ville!» se lamente Cédric.
«Bagdad était une grande capitale, économique et culturelle avant la chute du régime. Maintenant, nous nous retrouvons dans un tout petit village, et ce n’est pas facile» m’explique Benhar. Effectivement, Araden n’est pas un grand village. Il est composé d’une soixantaine de maisons, dont certaines sont vides depuis le départ de familles vers la Turquie voisine. Beaucoup de familles ont du mal à passer d’une grande ville à un petit village des montagnes, particulièrement les jeunes «Dès que la situation sera meilleure à Bagdad, j’y retournerai sans hésiter» préviens Alina, 17 ans.
Enfin, le dernier problème majeur de ce retour est évidemment l’absence d’emplois. «La situation économique est catastrophique. Il n’y a pas de travail ici ! Les seuls emplois que nous trouvons sont dans l’agriculture, mais nous ne savons pas cultiver…nous venons de la ville!» se lamente Cédric.
Faciliter l’intégrationet le lancement de projets
Face à ces difficultés, certaines actions sont mises en place, particulièrement par des ONG et par l’Eglise «Les chrétiens réfugiés ne voient aucun d’avenir au Kurdistan, ils veulent tous aller en Europe, nous devons leur proposer des alternatives ici, en Irak» explique monseigneur Rabban. C’est ce qu’essaye de faire l’IECD (Institut européen de coopération et de développement) à travers son projet «Ard al Amal» (la Terre de l’espérance), présente au Kurdistan depuis 2008.
«Nous accompagnons les habitants, chrétiens et musulmans, de trois villages kurdes dans la création ou le renforcement d’entreprises agricoles» explique Jean Maurel, responsable du projet «en mettant à leur disposition des outils, ils apprennent la production agricole [oignons, melons, aubergines, fraises, entres autre fruits et légumes...] et la vente de leurs produits».
«Ce n’est pas tous les jours facile, ils faut qu’ils se lèvent tôt, qu’ils travaillent dur pour générer des revenus qui restent toutefois bas. L’important, c’est qu’ils aient une activité, et qu’ils voient, au jour le jour, les résultats de leur travail».
Autre projet intéressant, celui du Lycée International de Dohuk, à l’initiative de monseigneur Rabban. Cette école accueille gratuitement tous ceux qui le souhaitent: chrétiens, musulmans, Turkmènes, Kurdes, filles, garçons et ne dispense pas d’enseignement religieux «tous les cours sont donnés en anglais, et nous apprenons aux élèves l’araméen, le français, le kurde» détaille fièrement monseigneur Rabban. Une réponse, entres autres, aux problème de la langue et au manque de communication entre Kurdes et chrétiens dans les villages du nord.
Le gouvernement Kurde accueille lui aussi généreusement les nouveaux venus chrétiens. Ils veulent leur rendre les terrains quittés il y a quelques dizaines d’années et occupés depuis par les Kurdes. Ces familles kurdes se voient offrir 10 000 dollars pour laisser leur terrains aux chrétiens, qui eux, reçoivent entre 17000 et 20000 dollars pour construire une maison de 3 pièces.
«Nous accompagnons les habitants, chrétiens et musulmans, de trois villages kurdes dans la création ou le renforcement d’entreprises agricoles» explique Jean Maurel, responsable du projet «en mettant à leur disposition des outils, ils apprennent la production agricole [oignons, melons, aubergines, fraises, entres autre fruits et légumes...] et la vente de leurs produits».
«Ce n’est pas tous les jours facile, ils faut qu’ils se lèvent tôt, qu’ils travaillent dur pour générer des revenus qui restent toutefois bas. L’important, c’est qu’ils aient une activité, et qu’ils voient, au jour le jour, les résultats de leur travail».
Autre projet intéressant, celui du Lycée International de Dohuk, à l’initiative de monseigneur Rabban. Cette école accueille gratuitement tous ceux qui le souhaitent: chrétiens, musulmans, Turkmènes, Kurdes, filles, garçons et ne dispense pas d’enseignement religieux «tous les cours sont donnés en anglais, et nous apprenons aux élèves l’araméen, le français, le kurde» détaille fièrement monseigneur Rabban. Une réponse, entres autres, aux problème de la langue et au manque de communication entre Kurdes et chrétiens dans les villages du nord.
Le gouvernement Kurde accueille lui aussi généreusement les nouveaux venus chrétiens. Ils veulent leur rendre les terrains quittés il y a quelques dizaines d’années et occupés depuis par les Kurdes. Ces familles kurdes se voient offrir 10 000 dollars pour laisser leur terrains aux chrétiens, qui eux, reçoivent entre 17000 et 20000 dollars pour construire une maison de 3 pièces.
«Ne pas tomberdans l’assistanat»
Toutes ces aides sont indispensables pour accompagner les chrétiens dans la période difficile qu’ils sont en train de vivre, mais elles posent aussi certaines interrogations. Pour l’immense majorité des chrétiens, la fuite de Bagdad, Mossoul, Kirkouk ou Basrah vers le Kurdistan représente un repli stratégique. Aucun d’entre eux ne pense s’y installer sur le long terme, hésitant à retourner dans leurs villes d’origine une fois celles-ci sécurisées ou à émigrer en Occident. «Nous n’allons pas rester longtemps au Kurdistan, à quoi bon apprendre la langue, se lancer dans un projet ou trouver un emploi?» lancent découragés, de jeunes chrétiens assis sur un muret, à l’ombre. Autre facteur ne facilitant pas leur intégration, l’absence de besoins financiers urgents: la plupart viennent de vendre leur maison à Bagdad, et beaucoup reçoivent de l’argent de leurs proches aux Etats-Unis ou aux Canada.
Dans sa voiture, en route pour Dohuk, monseigneur Rabban s’insurge contre le comportement de certains d’entre eux «ils attendent que tout viennent sans faire un effort! Ils ont des vignes, des champs, ils n’en font rien!» s’exclame-t-il, révolté avant de continuer «Les chrétiens se sentent comme des réfugiés dans leur propre pays, ils ne veulent pas se protéger avec des milices, ils ne s’impliquent pas politiquement. Il faut arrêter de se plaindre, se battre, se mélanger aux autres, être fort ! La mentalité de peur et de repli est dangereuse pour une communauté!» termine l’évêque réputé pro-kurde. En plus de toutes ces difficultés, comme s’il n’y en avait pas assez, les avantages d’aujourd’hui risquent, un jour, de se retourner contre les chrétiens. Les aides généreuses du gouvernement envers ces derniers donnent naturellement naissance à quelques jalousies. Et quel intérêt trouve d’ailleurs le gouvernement kurde à aider ces chrétiens ? Des questions auxquelles je répondrai dans le prochain article.
Toutes ces aides sont indispensables pour accompagner les chrétiens dans la période difficile qu’ils sont en train de vivre, mais elles posent aussi certaines interrogations. Pour l’immense majorité des chrétiens, la fuite de Bagdad, Mossoul, Kirkouk ou Basrah vers le Kurdistan représente un repli stratégique. Aucun d’entre eux ne pense s’y installer sur le long terme, hésitant à retourner dans leurs villes d’origine une fois celles-ci sécurisées ou à émigrer en Occident. «Nous n’allons pas rester longtemps au Kurdistan, à quoi bon apprendre la langue, se lancer dans un projet ou trouver un emploi?» lancent découragés, de jeunes chrétiens assis sur un muret, à l’ombre. Autre facteur ne facilitant pas leur intégration, l’absence de besoins financiers urgents: la plupart viennent de vendre leur maison à Bagdad, et beaucoup reçoivent de l’argent de leurs proches aux Etats-Unis ou aux Canada.
Dans sa voiture, en route pour Dohuk, monseigneur Rabban s’insurge contre le comportement de certains d’entre eux «ils attendent que tout viennent sans faire un effort! Ils ont des vignes, des champs, ils n’en font rien!» s’exclame-t-il, révolté avant de continuer «Les chrétiens se sentent comme des réfugiés dans leur propre pays, ils ne veulent pas se protéger avec des milices, ils ne s’impliquent pas politiquement. Il faut arrêter de se plaindre, se battre, se mélanger aux autres, être fort ! La mentalité de peur et de repli est dangereuse pour une communauté!» termine l’évêque réputé pro-kurde. En plus de toutes ces difficultés, comme s’il n’y en avait pas assez, les avantages d’aujourd’hui risquent, un jour, de se retourner contre les chrétiens. Les aides généreuses du gouvernement envers ces derniers donnent naturellement naissance à quelques jalousies. Et quel intérêt trouve d’ailleurs le gouvernement kurde à aider ces chrétiens ? Des questions auxquelles je répondrai dans le prochain article.