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16 novembre 2016

« Si nous travaillons tous ensemble, nous pourrons reconstruire notre pays »


Fin octobre, les premiers villages chrétiens de la Plaine de Ninive ont été libérés. Quelques jours seulement après cette libération, Monseigneur Yohanna Boutros Moshé, archevêque syriaque catholique du diocèse de Mossoul et Kirkouk (Irak) est revenu pour la première fois à Qaraqosh, ville symbole des chrétiens d’Irak. De passage en France, il nous livre son récit.
Quand vous êtes-vous rendus à Qaraqosh ? 
Je vis à Ankawa (NDLR. Quartier d’Erbil au Kurdistan irakien) où se situe ma résidence depuis notre départ forcé de Mossoul à l’été 2014. Une fois que nous avons appris la nouvelle de la libération de nos villages dans la plaine de Ninive, j’ai attendu quelques jours avant d’aller les visiter, et en particulier Qaraqosh. J’ai choisi de m’y rendre le « dimanche des dédicaces », qui est le premier dimanche de notre année liturgique, on l’appelle « la sanctification de l’Eglise ». Ma visite à Qaraqosh ne pouvait pas être une « visite normale » car je souhaitais prier et dire la messe dans une de nos églises profanées par l’État islamique.
Comment s’est déroulée votre arrivée sur place ? 
À l’entrée de l’Église de l’Immaculée Conception -- qui est un vrai symbole pour les citoyens syriaques-catholiques -- je me suis mis par terre sur l’escalier de l’entrée pendant quelques minutes pour remercier Dieu. La joie se mélangeait au chagrin et à la tristesse. Je me demandais : « Pourquoi ça s’est passé comme cela chez nous, nous qui sommes pacifiques ? » Cela fait plus de deux ans que nous sommes éloignés de nos églises. Mais cette prière était aussi une action de grâce.
Quelle a été votre première action ? 
Je suis entré après avoir mis de l’eau bénite sur l’église et un peu d’encens en signe de purification. Nous avons mis en place un autel parce que celui-ci était abîmé. Tout était brûlé à l’intérieur. Il y avait des icônes et des croix cassées. Ensuite, j’ai célébré la messe. C’était un témoignage et un message pour mes chrétiens, mes paroissiens syriaques mais aussi pour le monde entier.
Comment s’est passé votre second déplacement ?
Deux jours après cette première messe, nous y sommes retournés le 2 novembre, « jour des morts » dans la liturgie latine. C’était l’occasion pour moi de célébrer la messe pour nos défunts enterrés à Qaraqosh. La troisième messe a eu lieu le dimanche 7 novembre, qui correspond au jour de renouvellement de l’Eglise dans notre liturgie.
Quelle est la situation à l’intérieur de la ville ? 
De nombreuses maisons ont été détruites ou brûlées. Quelle tristesse ! Avant de reconstruire l’Eglise nous reconstruirons les maisons des fidèles pour qu’ils aient le courage de revenir vivre chez eux, puis nous travaillerons à la réhabilitation de l’Eglise.
Que représentait ce déplacement pour vos fidèles ?
C’était un encouragement. Certains chrétiens réfugiés au Kurdistan ont eu le courage d’aller voir leurs maisons. La guerre est toujours en cours à Mossoul et dans d’autres villages non libérés. À Qaraqosh, il y a encore le risque des voitures piégées. C’est pourquoi on n’encourage pas les habitants à s’y rendre maintenant.
Quand pourront-ils revenir à Qaraqosh ? 
J’ai récemment missionné un prêtre pour aller voir sur le terrain les maisons et les bâtiments détruits, évaluer les dommages et chercher des moyens pour reconstruire dans le but de donner la possibilité aux habitants de rentrer.
Gardez-vous encore de l’espoir que les communautés puissent revivre ensemble côte à côte à l’avenir ?
En tant qu’évêque, je suis optimisme. J’espère que nous pourrons vivre en toute sécurité et que nous pourrons avoir confiance en nos voisins. Si nous travaillons tous ensemble, nous pourrons reconstruire notre pays et renouveler la vie des communautés chrétiennes. Le pays a toutes les ressources pour se relever.