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2 novembre 2010

Les chrétiens de Bagdad victimes du silence oriental et de la lâcheté de l'Occident

By famillechretienne.fr

by Benjamin Coste

Au Moyen-Orient, rares sont les gouvernements à avoir dénoncé l’attaque de la cathédrale de Bagdad (Irak) qui a coûté le 31 octobre 2010 la vie à 46 chrétiens. En Occident, même si la France a proposé d’accueillir 150 « personnes blessées dans l'attentat et leurs familles », Mgr Philippe Brizard, directeur de l'Œuvre d’Orient, dénonce la lâcheté des dirigeants qui ne permet pas aux chrétiens de rester vivre en paix dans leur pays.
« Ça ne peut plus durer ! »
Joint par téléphone au lendemain de l’attaque de la cathédrale de Bagdad qui a coûté la vie à 46 chrétiens, Mgr Philippe Brizard n’a pas de mots assez forts pour condamner la prise d’otages sanglante revendiquée par Al-Qaïda. « Il va bien falloir qu’un jour la paix soit rétablie au Moyen-Orient », ajoute l’ancien directeur de l’Œuvre d’Orient, organisation qui vient en aide aux églises et aux chrétiens d’Orient. « Navré » par ces attentats, Mgr Brizard espère néanmoins qu’ils permettront « de réveiller les consciences occidentales et mettront en lumière leurs lâchetés vis-à-vis de la situation des chrétiens au Moyen-Orient ».
Le prêtre français a pris part au synode sur l’Orient qui s’est récemment tenu à Rome. « Nous avons beaucoup échangé sur la question des relations avec les autres religions et notamment l’islam. » Mais selon lui, c’est à l’Occident de travailler sans relâche au retour de la paix dans la région. « Les pays du Moyen-Orient ne pourront s’en sortir sans un consensus occidental. » Mgr Brizard affirme qu’en acceptant des régimes « qui ne valent rien », les pays occidentaux « font le jeu des extrémistes ». Il se montre également critique quant à la proposition du ministre français de l’Immigration Éric Besson d’accueillir 150 personnes blessées dans l’attentat et leurs familles. « Pour moi, il ne s’agit que d’un emplâtre sur une jambe de bois et un moyen de calmer nos mauvaises consciences. Mais cela ne résout en rien le problème de fond. Cette proposition prouve que la politique occidentale n’est qu’humanitaire. Face au problème, on déplace les populations. Mais il y en a assez de déplacer des populations ! Le XXe siècle a déjà allégrement donné en la matière ! Outre le fait que l’on donne raison à des barbus frustres et manipulés, il faut tout de même rappeler que ces chrétiens sont chez eux ! »

« Le silence des responsables musulmans nous tue ! »

Une opinion partagée par le père Muhannad Altawil, dominicain irakien originaire de Bagdad. « Évangélisé par saint Thomas, l’Irak a d’abord été à majorité chrétienne avant d’être musulmane. Aujourd’hui, les chrétiens irakiens sont devenus des étrangers dans leur propre pays » rappelle l’actuel pasteur de la petite communauté chaldéenne de Vaulx-en-Velin (Rhône). Á la différence de Mgr Brizard, il se dit « enchanté par la proposition du gouvernement français » après l’attaque de la cathédrale de Bagdad. « En agissant ainsi, la France se comporte de manière bien plus humaine envers les Irakiens que les responsables de mon pays », note le prêtre qui s’inquiète du silence des dirigeants musulmans. Un silence qui, selon lui, est sujet à interprétation. « Peut-être se réjouissent-ils de ces attentats ? Peut-être même y ont-ils collaborés ? Ou alors ils désapprouvent ces actes terroristes mais n’osent pas le dire ? »

Pour le prêtre irakien installé en France, il s’agit en tout état de cause d’une réponse « claire » aux actes du synode demandant aux gouvernements du Moyen-Orient de protéger la présence des chrétiens… Il en appelle également aux imams d’Irak et plus largement du Moyen-Orient, coupables de ne pas assez former leurs fidèles.
« Votre silence nous tue ! », s’exclame le Père Altawil, dénonçant les raccourcis dont sont victimes les chrétiens dans son pays. « Pour les musulmans intégristes, nous sommes des mécréants et des agents de l’Occident. »
Le prêtre de 36 ans en sait quelque chose : ses propres parents ont été contraints à l’exil il y a trois ans. « Un jour, dans leur jardin, ils ont trouvé une enveloppe contenant une balle de revolver sur laquelle était inscrite : "Partez ou alors…" Mes parents ont laissé leur maison, leur voiture, leurs souvenirs, leurs amis et ont quitté l’Irak avec en tout et pour tout deux valises… Ils on trouvé refuge aux États-Unis où ils ont dû repartir de zéro. Malgré cela, ma mère me dit souvent qu’elle ne passe pas un jour sans rendre grâce à Dieu pour la vie, la paix et la liberté retrouvée », confie le Père Altawil.
Depuis l’annonce des attentats, le dominicain irakien consulte quotidiennement grâce à Internet les médias de son pays. « La plupart mettent en exergue l’assaut victorieux mené par les militaires. J’ai vu des photos qui montrent la violence de l’attaque : sur certains clichés, on aperçoit du sang jusque sur le toit de la cathédrale ! » Le Père Muhannad connaissait les deux prêtres syriaques catholiques du diocèse de Bagdad qui ont péri le 31 octobre 2010. « Wassim Sabiha, 27 ans, et Thaer Saad Abd Al, 32 ans, étaient deux jeunes prêtres. Si je ne connaissais pas très bien le premier, je me souviens que le second m’avait fait part de sa détermination à rester en Irak. "Si je dois aller jusqu’au martyr, je le ferais pour les chrétiens de Bagdad. Le Christ n’a-t-il pas versé son sang pour nous ?", m’a-t-il demandé. »