"La situazione sta peggiorando. Gridate con noi che i diritti umani sono calpestati da persone che parlano in nome di Dio ma che non sanno nulla di Lui che è Amore, mentre loro agiscono spinti dal rancore e dall'odio.
Gridate: Oh! Signore, abbi misericordia dell'Uomo."

Mons. Shleimun Warduni
Baghdad, 19 luglio 2014

15 aprile 2011

Chrétiens d'Irak, un sursis sur les rives du Bosphore

By La Croix, 06/04/2011
François-Xavier Maigre, à Istanbul

Ferveur et espoir. Lovée dans une arrière-cour du quartier Taksim, cœur frénétique d’Istanbul, la cathédrale du Saint-Esprit vibre de toutes ses pierres. Et si le chemin de croix célébré ce vendredi de Carême y est tellement poignant, ce n’est pas seulement parce que les fidèles prient en araméen, la langue de Jésus.

C’est sans doute aussi parce qu’on ne peut s’empêcher d’associer les souffrances du Christ à celles de ces familles chaldéennes, qui ont fui par centaines les violences dont elles étaient victimes en Irak. Ici, leur sécurité n’est plus menacée. Mais leur épreuve est loin d’être terminée : la Turquie ne fait que les recevoir provisoirement, en attendant qu’elles trouvent un pays d’accueil. Sursis sur les rives du Bosphore.

Mener une vie normale


Sarmad
, 18 ans, est l’un des 4 600 réfugiés irakiens actuellement recensés en Turquie. Cela fait quatre mois que ce jeune homme réservé vivote à Istanbul. Originaire d’un village chrétien, non loin de Qaraqosh (nord de l’Irak), il a vu la mort de près.
«Je rentrais du lycée, quand cinq hommes armés et encagoulés me sont tombés dessus. Ils m’ont dit que s’ils me revoyaient, ils me tueraient. Alors j’ai quitté mes frères et ma mère. Je ne pourrai plus jamais vivre chez moi. C’est trop dangereux. J’espère pouvoir rejoindre un oncle en Californie, et mener une vie normale, reprendre des études.»
Et, qui sait, «devenir avocat». Une histoire tristement banale. Comme Sarmad, la plupart des réfugiés aspirent à un nouveau départ : États-Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande…

200 familles seraient installées à Istanbul

Un père de famille se désole parmi un groupe d’hommes. Ses enfants viennent de décrocher un visa pour New York. Mais le sien a été refusé.
«Désunir les familles, il n’y a rien de pire», compatit Mgr François Yakan, 53 ans, vicaire patriarcal des chaldéens de Turquie. Depuis plusieurs années, ce responsable catholique se trouve en première ligne face à l’afflux des chrétiens d’Irak, les deux pays étant mitoyens.
«Hier encore, j’ai reçu deux familles de Mossoul», raconte cet homme énergique, tout entier dévoué à «un peuple en voie de disparition», comme il le dit lui-même, sans illusion. Très direct, Mgr Yakan fustige les visions occidentales «idylliques» faisant du Kurdistan (1) l’unique planche de salut des chrétiens d’Irak.
«La vie est loin d’être si simple dans le nord; les chrétiens n’y ont aucune perspective. En Syrie, au Liban et en Jordanie, ce n’est pas mieux.» Rien qu’en décembre, il dit ainsi avoir accueilli 26 familles d’Alqosh, 18 de Zakho et 14 de Kirkouk. Plus de 200 familles seraient installées à Istanbul, signe d’une hémorragie qui semble désormais irréversible.

L’association chaldéenne Kader

C’est pour soutenir ces populations que Mgr Yakan a co-fondé l’association chaldéenne Kader, seule ONG chrétienne reconnue par l’État turc. Sa mission: faciliter les démarches administratives de familles souvent déboussolées: inscription sur la liste du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) – nécessaire pour vivre en Turquie –, demandes de visas… Un soutien également matériel et moral.
«Beaucoup traînent dans les rues, les bars », s’inquiète Mgr Yakan, la Turquie n’accordant aux réfugiés ni permis de travail ni protection sociale. Déracinés et livrés à eux-mêmes dans une mégalopole de 12 millions d’habitants, certains sont tentés de plonger dans la drogue, la prostitution.
Sans compter la recrudescence des tentatives de suicide chez les jeunes mères… Financée par des dons, l’association assure aussi la scolarité des enfants. «Ils n’ont connu que la guerre. Notre défi, c’est de les éduquer à la paix.»

Les réfugiés bloqués à la porte de l’Europe

Dans les locaux, les familles défilent.
«Beaucoup ont fui dans l’urgence, sans prendre le temps de faire leur valise, explique Mgr Yakan. En décembre, nous avons habillé plus de 180 enfants.» Punaisés au mur, les portraits des deux prêtres assassinés à Bagdad en octobre dernier confirment la proximité des communautés syriaques, chaldéennes ou latines au cœur du drame irakien.
«Ici, l’unité surgit d’elle-même», affirme Mgr Yakan, qui précise accompagner sans distinction les familles chrétiennes et musulmanes, victimes elles aussi du terrorisme. Du haut de ses 21 ans, Sandra assure l’accueil des nouveaux arrivants: vérification des passeports, constitution des dossiers…
Chassée avec les siens «pour s’être promenée sans voile», cette étudiante a rejoint d’elle-même l’équipe des bénévoles d’Istanbul. «Nous voulons nous installer en Australie. Mais cela risque d’être long. En attendant, j’essaye de me rendre utile.»
De la patience, il en faut: certains piétinent parfois deux ans avant que leur situation n’évolue.
«Mise à part l’Allemagne qui vient d’accueillir 2 500 Irakiens, les pays européens ne nous aident pas vraiment. Les réfugiés sont bloqués à la porte de l’Europe, et on les laisse là», tempête Mgr Yakan, qui oppose à cette inertie la réactivité du gouvernement turc après les dernières attaques: évacuation de nombreux blessés, prise en charge hospitalière… «Tout cela, sans faire de bruit», salue-t-il, alors qu’au même moment, la France et l’Italie faisaient grand cas des quelques dizaines de blessés accueillis sur leur sol.

Ils se recentrent sur leur foi

Face à cette gestion politique complexe, et alors que l’avenir demeure incertain, les chrétiens d’Irak se recentrent sur leur foi. À Istanbul, comme dans leurs autres ports d’exil, les églises sont combles. Il n’est d’ailleurs pas anodin que l’archevêque maronite de Damas,
Mgr Samir Nassar, reconnaisse publiquement que ces survivants ont renforcé «la foi chrétienne en Syrie en apportant un nouveau souffle à nos paroisses».
«Ces réfugiés redeviennent malgré eux des apôtres et des porteurs de Bonne nouvelle», va même jusqu’à affirmer l’historien Sébastien de Courtois, spécialiste des minorités chrétiennes en Turquie. Selon lui, «Istanbul, l’ancienne Constantinople, redevient cette passerelle vers l’Occident, ce phare qu’elle a toujours été au cours de son histoire pour les chrétientés».
(1) Région du nord de l’Irak où des noyaux chrétiens se sont consolidés à la lisière de la frontière turque depuis l’intervention américaine de 2003.